Cave dîmière sous le 1 rue du
Tournebroche 60000 Beauvais
Particulièrement bien pourvu en pierre à bâtir, le bassin parisien recèle dans son sous-sol une
quantité insoupçonnée de caves ou anciennes galeries où cette roche fut extraite et qui confère
à certaines villes une renommée légendaire.
En Picardie, où la craie semble prédominer, les premiers bâtisseurs ont su remarquablement
en sélectionner les variétés les plus dures pour construire les admirables chef d'œuvres que
les guerres on pu nous épargner.
Ainsi, au cours de la journée du 20 janvier 2001, notre groupe de recherche a pu découvrir
dans la capitale de l'Oise une cave dimière tout à fait remarquable, qui n'est pas sans nous
rappeler d'autres cavités très similaires sur le plan architectural visitées précédemment,
d'où l'intérêt croissant de ces comparaisons qui permettent de mieux appréhender les coutumes
féodales abolies à la révolution.
Rappelons que la dîme était l'impôt sur le revenu, prélevé par le clergé à raison des 1/15e
environ. Cet impôt se faisant en nature uniquement sur les récoltes et le produit du terroir.
L'Eglise, se devait ensuite, en fonction des bénéfices, de payer un quota au roi sous forme
de décime.
L'histoire nous dit peu quel était l'aspect des caves royales, dont certaines sont souvent
confondues avec de prétendues oubliettes d'ailleurs. En revanche, il est tout à fait facile de
cerner la physionomie classique des caves gothiques qui servirent lieu au dépôt de la dîme tout
au cours de l'ancien régime.
Malgré de légères variantes, toujours perceptibles en fonction des régions et terroirs, c'est avec
toujours un grand intérêt que nous étudions ce type de cave peu connu et pourtant si fréquent.
Façade du XVIe siècle
Vue de la cour intérieure
Le quartier médiéval qui bordait la célèbre cathédrale gothique de Beauvais, fut en
partie miraculeusement épargné des terribles bombardements qui touchèrent la ville
durant la 2e guerre mondiale. C'est dans la rue du Tournebroche, plus particulièrement
à son intersection avec la rue de l'Ecole-de-Chant que s'élève une très
jolie bâtisse à pans de bois datée de la 2e moitié du XVIe siècle,
admirablement restaurée il y a peu par le Département qui en est propriétaire. Cet édifice,
inscrit aux monuments historiques depuis le 23 mai 1996, recèle sous son aile sud une
double cave gothique, antérieure à la construction de surface puisque datée du début
du XIVe siècle. Son accès se fait par l'intermédiaire de 14 marches modernes
au bas desquelles une première salle quadrangulaire apparaît.
L'escalier d'origine (comblé à la 10e marche) semble être le second qui s'observe
juste à droite au bas des marches.
Salle gothique
La grande humidité du sol a eu pour conséquence un remblaiement sur au moins la mi-hauteur
avec une couche finale de gravillon. Malgré tout, l'on peut tenir encore debout et en
certains points on peut remarquer 2 m 50 de hauteur de plafond.
Pratiquement au milieu de cette première salle (de 5 m x 6 m 70) trône l'unique
pilier circulaire gothique si caractéristique des caves dîmières. De ce
dernier rayonnent 8 arcs brisés opposés admirablement construits. La craie dure (étage du
Sénonien) semble constituer l'ensemble de la pierre taillée utilisée ici où de nombreux
signes de tâcherons subsistent, bien que rudimentaires et malgré les effacements
successifs dus aux nombreuses restaurations à des époques les plus diverses.
Un beau larmier juste sur la gauche, qui donne dans la rue du Tournebroche, permet le
passage du jour. Ces ouvertures avaient pour rôle autrefois la ventilation qui assurait
une conservation optimale des denrées entreposées ici.
Continuant la visite, on peut remarquer un épais mur de séparation qui communique par
l'intermédiaire d'une brèche moderne à une seconde salle quadrangulaire,
plus régulière et de facture assez similaire (5 m 50 x 5 m 50). Pas de pilier central
cette fois-ci mais une remarquable croisée de voûte ogivale qui repose sur les quatres
angles. La construction de cette seconde salle semblerait à priori contemporaine de
la précédente.
Nous noterons une niche sur la gauche bien plus élaborée et esthétique que toutes les autres
que nous avons pu observer. Elle se situe juste à côté d'un second larmier qui donne
toujours dans la rue du Tournebroche.
Tout au fond, un petit passage arrondi conduit dans la partie la plus reculée à
ce que l'on pourrait appeler un cellier. Assez modifié, ce petit cellier possède la
particularité de ne pas être situé à un niveau plus inférieur que les grandes salles,
comme il est de coutume. L'humidité, comme nous l'avons déjà souligné, ne peut qu'en
être la cause. En effet, les vins qui devaient être entreposés dans cette partie de la cave
n'auraient pas supporté cet excès hygrométrique et se seraient altérés.
Assez court, ce petit cellier se compose de deux cellules latérales opposées en quinconce et
d'une niche terminale dans la galerie d'accès.
Une niche plus élaborée
le cellier terminal
La singularité de cette ancienne cave médiévale est sans conteste d'être constituée de
deux parties jumelles, lesquelles semblent être séparées par un mur d'apparence assez
ancien. L'on peut penser en raison de l'humidité que la grande salle initiale n'ait pu
jamais atteindre la profondeur prévue et de ce fait, au lieu de nécessiter l'empilement
en hauteur des vivres, il fallut lui adjoindre une seconde salle, de fabrication plus
coûteuse, pour pouvoir s'étaler. La preuve en est le cellier terminal qui, seul cas
observé à ce jour, se situe au même niveau que les salles voûtées.
Précisons que
Beauvais n'était pas particulièrement une cité productive en vins, ce qui explique
ce typique espace de conservation aussi restreint.
Notons qu'à la cave dîmière de Dammartin-en-Goële nous avions
déjà observé une seconde salle, mais les bâtiments, très remaniés, et
dont certaines parties étant encore murées et inaccessibles à ce jour, ne
permettaient pas de confirmer cette architecture à l'origine.